Le 6 avril 1805, se rendant à Milan, Napoléon arrivait à Saint Léger sur Dheune dans la matinée. L’usine du Creusot y avait envoyé plusieurs canons d’un nouveau modèle, qui firent une décharge générale non prévue au programme, et qui effraya tant les chevaux du cortège que plusieurs attelages furent un moment en danger. Pendant que l’on réparait le désordre créé par cet incident, l’Empereur qui était descendu de voiture se fit présenter les notabilités. Parmi elles se trouvait le Curé de Saint Jean de Trézy , FRANCOIS CHARDON. A l’énoncé de son nom Napoléon sembla rechercher dans ses souvenirs, puis s’étant rappelé, prit le prêtre à l’écart et eut avec lui un long entretien au cours duquel il lui offrit un évêché important : l’offre fut cependant déclinée, le Curé préférant rester au milieu de ses ouailles.
C’est au hameau des FOISONS, dépendant de la paroisse de COUCHES que François Chardon, deuxième d’une famille de huit enfants naquit en 1756. Ses parents étaient vignerons et possédaient une certaine aisance. Son frère aîné Jean Baptiste, avait embrassé l’état ecclésiastique. Il devint par la suite chanoine honoraire d’Autun et curé Archi-prêtre de Montcenis. François suivit son exemple et entra au séminaire d’Autun en 1773. A vingt deux ans il est nommé professeur au collège de cette ville (l’actuel lycée de garçons) après avoir été ordonné prêtre.
C’est alors qu’il eut au nombre de ses élèves, Napoléon Bonaparte et son frère Joseph, auxquels s’intéressait l’Evêque de Marbeuf, mais alors que le futur Empereur qui n’avait que 9 ans et demi, n’y fit qu’un court séjour, étant admis six mois plus tard à l’école militaire de BRIENNE, Joseph y resta plusieurs années. Plusieurs fois pendant les vacances le futur Roi d’Espagne se rendit aux FOISONS passer quelques jours avec François CHARDON et son frère Pierre également élève au collège, où une cordiale hospitalité lui était offerte.
En 1781, François CHARDON fut nommé Vicaire de VILLERS-LAFAYE puis peu après de MONTCENIS auprès de son frère. En 1787 il prend charge de la Paroisse de Saint Berain, succédant à son oncle, Claude CHARDON. C’est là que la révolution le surprend. Le 27 février 1791, il prête serment (*) à la constitution civile du Clergé, mais « seulement dans tout ce qui, du jugement de l’Eglise, sera conforme à la religion catholique, apostolique et romaine, dans laquelle il veut vivre et mourir ». Ces réserves le firent ranger au nombre des prêtres réfractaires , lesquels furent d’abord privés de tout traitement et pension et réputés suspects de révolte et de mauvaises intentions contre la patrie. Le 27 mai 1792, la peine de « déportation » fut prononcée contre eux.
Voici une anecdote qui dépeint le personnage de l’Abbé CHARDON : après le treize vendémiaire, deux gendarmes se présentèrent à la maison Chardon aux Foisons, pour arrêter François Chardon, qui convient que ces braves gens font leur devoir. Il tient à leur offrir à boire. Il se rend à la cave et en rapporte….une feuillette (tonneau d’environ 100 litres…). Après avoir bu, les gendarmes ne se sentent pas de taille en face d’un tel gaillard et se retirent sans lui.
François CHARDON qui pendant quelque temps s’était caché dans sa famille, ne se sentit plus en sécurité et avec son frère Jean Baptiste partit sous un déguisement, pour l’Italie en passant par la Savoie. A ROME ils retrouvèrent Joseph Bonaparte, alors ambassadeur, du gouvernement français, qui les prit sous sa protection. Ils revinrent en France. En 1801 et le concordat ayant rendu la liberté du culte, François CHARDON rouvrit son église de SAINT BERAIN. Il ne devait y rester que peut de temps. En 1803, il fut nommé Curé de SAINT JEAN DE TREZY.
Ayant refusé l’évêché que lui proposait NAPOLEON, il accepta cependant la nomination de CHAPELAIN D’HONNEUR de son ALTESSE IMPERIALE JOSEPH BONAPARTE, Roi d’Espagne. Il y a au moins un mariage, où il signa en citant cette distinction honorifique à Saint Berain. De 1808 à 1813 François Chardon tout en restant à Saint Jean de Trézy assura le service de la paroisse de Saint Berain.
Il mourût à Saint Jean de Trézy le 30 octobre 1825 à l’age de 69 ans, il fut selon ses dernières volontés enterré dans le petit cimetière (**), au milieu de ses paroissiens qu’il avait tant aimés.
(D’après C.P. Bulletin Paroissial Saint Jean de Trézy, octobre 1937)
(*) Autre version : il prêta serment (« curé jureur ») pendant qu’il était constituant, et en rentrant chez lui, sous la pression du milieu, il rétracta son serment et devint réfractaire : grâce à sa nombreuse famille, il put se cacher.
(**) En fait en signe d’humilité, les tombes des prêtres étaient devant le porche principal, afin que les paroissiens marchent sur leur pierre tombale en entrant dans l’église. Celle de la tombe du curé Chardon y est encore, mais recouverte par une chape de ciment faite (dans les années 1980) pour faciliter le travail des pompes funèbres lors des enterrements.